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La nécessité de la vaisselle
Cuisiner. Soit le fait de transformer l’état de son aliment en usant d’un procédé mécanique et en lui faisant éventuellement subir un traitement thermique. À l’heure actuelle les traces archéologiques placeraient les premières activités culinaires à l’intérieur de la Grotte de Wonderwerk en Afrique du Sud il y a un million d’années. Soit sur la fin de l’aventure de l’Homo erectus avant que ce dernier cède sa place à l’homme de Neandertal[1].
Le passage d’une alimentation jusqu’alors basée essentiellement sur une consommation de viande crue à une consommation d’aliments cuits a eu des répercussions mesurables sur la morphologie dentaire humaine ainsi que sur ses capacités cérébrales[2].
La cuisson directe sur les flammes (≈ 1k °C) transformant les aliments en matières carbonées non comestibles a fort heureusement su être rapidement écartée au profit de techniques de cuisson directes également mais à moindre température, comme la cuisson sur braise, sur cendre, sur pierre brûlée, à proximité des flammes en tenant la pièce par un os, ou, témoignant d’un degré supplémentaire de réflexion, la cuisson au bout d’un bâton, et par extension à la broche ou en brochettes à proximité des flammes[3].
Incidemment avec l’adoption de ce nouveau mode d’alimentation chaude l’homme a du développer de nouveaux protocoles de consommation afin de ne pas se brûler inutilement les doigts.
Qui vint le premier entre l’ustensile et le récipient ? La première constatation est que cela dépend de la solidité physique du repas, permet-il une préhension à main nue ou nécessite-il le recours à un ustensile ? La consommation de viande crue permettait la préhension à main nue, celle de la viande cuite ne l’interdit pas mais la rend délicate. Ainsi le fait de tenir le morceau de viande par l’os ou de le ficher sur une tige de bois au-dessus du feu en s’assurant que suffisamment de cette dernière dépasse de celui-ci pour que l’on puisse s’en saisir permet à la fois la cuisson et la consommation du repas. Et dans ce cas de figure précis, l’ustensile a précédé le récipient. Et cet objet sera d’ailleurs différencié des autres de part sa fonction de préhension à distance ou indirecte et celle d’aide à la consommation. De plus son utilisation restreinte à ces deux fonctions à l’intérieur du cadre culinaire en fera un ustensile et non un outil.
Comment s’expliquer l’apparition des récipients ? Dans les tous premiers contextes où la quantité d’aliment cuit produit ne dépasse pas la quantité d’aliment nécessaire à un repas (que l’on pourrait définir par l’atteinte du seuil de satiété), et que cette quantité s’avère être sous une forme consommable à l’aide d’un seul ustensile, il n’y a pas d’utilité à avoir de récipient qui servirait à recevoir l’aliment le temps du repas, et de conserver un éventuel surplus de production.
De deux choses l’une, soit le récipient est apparut d’abord pour conserver un surplus de production, soit pour recevoir l’aliment cuit, devenant ainsi la première vaisselle de table.
La conservation n’est pas une invention néolithique, la méthode du séchage au soleil des aliments est déjà attestée vers 12k BC au moyen orient. Vraisemblablement le goût puis par empirisme la nécessité sanitaire ont-ils motivé l’acquisition de cette technique. Et ceci révèle une perception plus longue du temps, ainsi qu’une différentiation puis une séparation des deux moments que sont la préparation et la consommation : conserver c’est préparer au présent un repas qui sera consommé plus tard. Si on ajoute à cela le fait qu’avant le néolithique les sociétés humaines sont encore nomades et qu’elles ne peuvent transporter qu’une quantité réduite de matériel, le récipient de conservation et de consommation, ou de préparation et de consommation ne feront qu’un, sous la forme d’une outre en peau tannée et imperméabilisée. À la fin du paléolithique supérieur, les aliments peuvent alors être préparés en soupe, préparée dans un récipient en peau et cuite grâce à l’ajout régulier à l’intérieur de pierres chauffées[4], puis consommés dans d’autres récipients de même nature.
On conçoit donc le besoin de produire une gamme d’ustensiles adaptés aux tâches de préparation et de consommation : des lames de silex pour la découpe de la viande, des pics réalisés en bois végétal ou en os, ainsi qu’un appareil présentant une extrémité aplatie (fragment choisi d’omoplate, coquille et coquillage, etc.) afin de pouvoir remuer lors de la cuisson et porter la nourriture à la bouche lors du repas. On aura deviné qu’il s’agit là du point de départ pour la recherche de l’ustensile cuillère, qui fait véritablement son entrée dans le matériel de cuisine au néolithique où ses premières occurrences sont attestées vers 2,7k BC à Han-sur-Lesse[5].
Mais quel besoin y avait-il de produire des formes solides de récipients ? Il faut y voir là non pas la réponse à un besoin mais plutôt l’incidence d’un état de fait.
Le paléolithique final et le mésolithique, tous deux communément compris entre 40k BC et 9k BC ont vu la progressive émergence de la station prolongée des communautés humaines en un endroit, et petit à petit l’étape s’est muée en résidence. Et encore une fois, le temps long permet l’investigation d’un milieu, son appropriation par l’homme. Et cette résidence est peut-être le résultat combinatoire d’une diminution des raisons de toujours partir (statut de proie, conditions climatiques changeantes, poursuite des moyens de subsistance, etc.) et d’une augmentation des raisons de rester (statut de dominant, appropriation et domestication des moyens de subsistance, adaptation aux conditions climatiques d’un endroit, etc.). La sédentarisation néolithique maintient l’homme dans un statut de dépendance vis à vis d’un milieu, néanmoins il s’agit désormais d’une dépendance consentie vis à vis d’un milieu modelé par lui.
La résidence a donc entre autre incidence la planification des moyens de subsistance. Ce qui signifie comme nous l’avons vu leur domestication (agriculture, élevage). Ainsi que leur conservation une fois récoltés, sur une durée beaucoup plus étalée que jusqu’à présent où il ne s’agissait que d’assurer une conservation de transport.
Et après le tas de pierres, les fagots de bois, c’est encore par empirisme que l’homme a constaté que la conservation la meilleure était celle assurée par la mise en terre argileuse de ses aliments, une matière qui manifestait de plus la propriété de rétention de liquide ainsi que d’assurer une protection thermique relative grâce à sa porosité.
Et la sédentarisation n’a aucunement empêché la circulation, de même que les techniques de production d’une conservation de résidence ont ensuite été mises à profit pour améliorer la conservation de transport, ce qui dépasse le cadre du présent sujet.
C’est ainsi cette notion de résidence prolongée qui aura permis à l’objet d’étude de ce blog d’apparaître et se développer comme nous aurons l’occasion de le constater au cours de plusieurs étapes chronologiques.
[1] http://discovermagazine.com/2013/may/09-archaeologists-find-earliest-evidence-of-humans-cooking-with-fire
[2] http://www.rawpaleodiet.com/when-did-humans-begin-to-cook/
[3] http://www.universalis.fr/encyclopedie/prehistoire-l-homme-et-le-feu/4-la-cuisson-des-aliments/
[4] http://www.oldcook.com/histoire-cuisine_prehistorique
[5] file:///Users/Utilisateur/Downloads/NP33_147-152_Cuill%C3%A8reHan_Warmenbol_261113_600-p.pdf