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Introduction
Dans la langue latine, on retrouve deux mots inséparables : amare et potare = aimer et boire. En effet, ils sont fondamentaux pour le romain, et par extension pour le gallo-romain qui porte un réel intérêt à la table : bien manger et bien boire vont de paire avec le génie (genio indulgere), d’où l’importance des repas qui se multiplient : repas de bienvenue pour le voyageur, repas d’adieu quand il part, repas à la suite de sacrifices, repas d’amis, de famille, de naissance….il y a toujours une bonne raison pour s’attabler !
Mais tous ces repas ne pourraient se faire sans vaisselle appropriée…
Quels types d’ustensiles peut-on donc rencontrer et quels matériaux ?
Sources, matériaux et types d’objets de table
1- SOURCES
Pour appréhender au mieux la table gallo-romaine, nous disposons de sources écrites (les comptes de potiers mais aussi les textes d’auteurs comme Pline l’Ancien, Caton, Columelle, Dioscoride, Ausone, Varron, ou encore les recettes d’Apicius) et iconographiques (mosaïques romaines, stèles funéraires représentant des banquets, certes funéraires,…).
Au niveau archéologique, les informations nous viennent principalement de la céramique retrouvée en abondance sur de nombreux sites (La Graufesenque, Gueugnon,…). Cependant, la vaisselle pose des problèmes d’interprétation : en effet, les textes ne relient pas souvent les formes de récipients à des fonctions précises. Par exemple, une casserole gallo-romaine est un ustensile de table, utilisé pour mélanger des liquides mais ne présentant aucune trace de cuisson1.
S’il est souvent difficile de bien identifier la vaisselle gallo-romaine, à partir du Ier siècle av. J.-C. l’information est bien plus abondante, surtout concernant la cuisine du Haut-Empire.
2- MATERIAUX
Il n’y a pas de matériau spécifique pour la vaisselle de table en Gaule romaine. On en trouve de toutes sortes : céramique, bois, osier, os, verre mais aussi métal comme le fer, le bronze, l’or ou l’argent. Concernant les objets de table en métal précieux tels que l’or et l’argent, on en trouve assez peu sur le territoire gaulois au Ier siècle, et aucun n’est comparable au trésor de Boscoréale ou aux trésors de Pompéi. Au IIIe-IVe siècle, c’est l’inverse qui se produit : on connaît davantage les trésors gaulois et germains que ceux du monde romain.
Essayons maintenant d’analyser les matériaux : pour quoi les utilise-t-on ?
-La CERAMIQUE est la plus utilisée : notamment pour la vaisselle commune qu’on retrouve en très grande quantité (85 à 95% de la céramique trouvée en habitats)1. En outre, on trouve de la céramique sigillée considérée comme de demi-luxe : on la reconnaît par son vernis et sa couleur rouge caractéristiques.
(voir l’article traitant de la vaisselle en céramique ICI)
-Le BOIS : on l’utilise encore en Gaule romaine mais moins qu’à la période celtique. En effet, la vaisselle en bois laisse progressivement la place à celle en céramique qui est produite à un niveau quasi industriel. Le bois se conservant très mal, on en a retrouvé que très peu en fouilles. Cependant à partir du IIIe siècle, on trouve des ustensiles en céramique qui s’inspirent du bois : comme Agnès Benoît l’indique dans Les Français et la table (1985), on peut supposer qu’il y aurait alors une reprise de l’emploi du bois dans la vaisselle, qui continuera d’être utilisé au Moyen Age (voir la catégorie « Moyen Age » du blog).
-L’OSIER : employé pour la fabrication de coffres contenant des récipients à boisson et surtout utilisé pour la confection de corbeilles, notamment à fruits qui sont parfois représentées sur des stèles funéraires. L’osier devait avoir d’autres fonctions, mais nous ne disposons pas de reste archéologique pour l’époque gallo-romaine.
-L’OS : on l’utilise notamment pour les manches de couteaux et les cuillères [2].
Parmi les métaux =
-Le BRONZE : il sert à fabriquer des chaudrons, casseroles, patères, pots, cruches ou plats. Il peut être étamé afin de constituer un meilleur revêtement et de protéger les aliments. Les objets en bronze peuvent présenter un décor et sont souvent le produit d’une double influence gauloise et gallo-romaine.
–L’ARGENT : le poids en argent des objets est important car il détermine sa valeur et correspond au poids monétaire que l’on peut donner en échange. Le trésor d’argenterie est donc en grande partie social (à Rome, on a même trouvé des coupes non fonctionnelles qui sont de véritables œuvres d’art comme la « coupe africaine » à emblema) et s’inspire des productions romaines.
A partir du IIIe siècle, on se met à construire des murs autour des centres-villes afin de se protéger contre les incursions barbares qui passent le limes, attaquent les villes et pillent. Les riches gallo-romains se mettent alors à cacher leurs objets métalliques. On a ainsi retrouvé le trésor de Rethel dans les Ardennes qui n’a donc jamais été récupéré par son propriétaire… le décor de la vaisselle métallique est le témoignage d’une technique qui apparaît à la fin du IIe-IIIe siècle, le niellage : on l’utilise pour créer des décors végétaux qu’on retrouve beaucoup sur les objets de table.
Plusieurs techniques se développent durant la période gallo-romaine et se conjuguent pour donner des objets métalliques très luxueux et minutieux : repoussé, moulure, ciselure, gravure,… Parmi les trésors de table les plus remarquables, on note le trésor de Chaourse (IIIe siècle), de Graincourt ou encore celui de Reims.
-Le VERRE : jusqu’au Ier siècle avant J.-C., il n’est pas soufflé. C’est à partir du Ier siècle après J.-C. (et surtout dès le IIe siècle) que les 3 techniques du verre moulé, soufflé et soufflé dans un moule sont attestées. Parmi les différents ustensiles, on trouve par exemple des verres colorés, transparents (qui cherchent probablement à imiter le cristal de roche et l’ambre, pierre protectrice), et tôlés (comme des bouteilles). De plus, toutes les techniques de décor existantes sont mises au point durant la période. Dès lors, le verre cesse d’être une matière luxueuse et devient une matière plus commune, travaillée par des spécialistes verriers.
Conclusion
Comme nous venons de le voir, les matériaux des objets de table sont variés. On note toutefois que la céramique prédomine largement et que le verre se développe à partir du Ier siècle. Il est important de noter que le choix des matières n’est pas simplement fonctionnel ou social, mais également symbolique. Par exemple, on constate qu’on emploie souvent les matériaux les plus précieux pour les récipients à liquides. Pour finir, on peut ajouter, comme il a été dit dans un précédent article (A la table gallo-romaine), que la matière influe sur le goût des aliments : on pouvait donc privilégier un matériau en vue d’obtenir une sensation gustative particulière !
Wendy Vettor
[1] BENOÎT Agnès, Le repas dans la Gaule romaine, in. Musée national des arts et traditions populaires, Les Français et la table, Editions de la Réunion des Musées Nationaux, 1985, Paris, 509p.
[2] Anecdote : durant la période celtique, le crâne (décapitation des ennemis très importante dans la culture celte) était parfois utilisé comme récipient. On le taillait pour en former une coupe ou un bol. Par exemple, à Herwheim (Palatinat, Allemagne), on a retrouvé de nombreuses calottes crâniennes retouchées et utilisées comme récipients. Les crânes provenaient d’ennemis et peut-être de membres de la famille (cela dans le but de les honorer).
Sources
- AIP (Association interrégionale pour la Promotion du Patrimoine), avec la collaboration de WITTMANN A., La vaisselle, site d’Augustonemetum, [en ligne], (consulté le 14/04/15)
- ASTIER M-B, Le trésor gallo-romain de Graincourt, Notice du Louvre, site du musée du Louvre [en ligne], (consulté le 14/04/15)
- ARVEILLER-DULONG V., NENNA M-D, Les verres antiques du musée du Louvre, tome II, Vaisselle et contenants du Ier siècle au début du VIIe siècle après J.-C., décembre 2005
- BARATTE F., Argenterie gallo-romaine : la coupe à collerette de Mérouville (Eure-et-Loire), Gallia 40, no. 1 (1982), [document électronique], (consulté le 13/04/15)
- BARATTE F., Le trésor d’orfèvrerie gallo-romaine de Reims., Gallia. Tome 38 fascicule 2, 1980. pp. 253-264. [document électronique], (consulté le 11/04/15)
- BENOÎT A., Le repas dans la Gaule romaine, in. Musée national des arts et traditions populaires, Les Français et la table, Editions de la Réunion des Musées Nationaux, 1985, Paris, 509p.
- FATON L. (dir.), Les potiers gaulois et la vaisselle gallo-romaine, Dossiers d’archéologie n°215, Paris, juillet/août 1996
Crédits images
- Image titre = Paris gallo-romain, Lutèce : http://www.francebalade.com/paris/parisjulien.jpg